Marc Gaillet, photographe engagé et plasticien résistant

Marc Gaillet, photographe engagé et plasticien résistant

Ici, un pistolet vert d’où éclot une fragile végétation et un nuage de fumée apaisant ; là une grenade rose convertie en objet de luxe ; sur l’écran d’ordinateur des épouvantails en costumes cintrés transpercés par les rayons d’un dieu qui pourrait s’appeler « Dollar » ; plus loin, une étrange et longue silhouette flanquée d’un manteau de cuir noir à la Matrix qui attend sa véritable affectation dans un monde de licornes ultra-friquées… l’univers de Marc Gaillet est peuplé d’objets insolites, d’images frappantes et de pièces fabriquées, elles-mêmes détournées de leur sens premier pour mieux transmettre sa vision de la civilisation. Celle d’une histoire qui n’en finit pas de se répéter, et dont on ne retient jamais les leçons.

C’est clair, le message de ce photographe plasticien installé à Montferrier-sur-Lez depuis 2023 revêt une signification philosophique engagée. Il ne s’en cache pas. « Pour moi, l’art est un acte de résistance. Il est politique. Il saisit l’atmosphère sociale, la restitue, il est une forme d’anticipation », explique-t-il en plongeant dans les livres d’histoire qu’il compare sans cesse à l’actualité brûlante du moment. « Parce que tout se répète, que l’Histoire est cyclique », le plasticien militant Marc Gaillet construit des parallèles et entend raconter l’humanité sans montrer l’humain. De ces allers-retours permanents, ses photos explorent l’esclavagisme des temps coloniaux qu’il superpose à celui d’aujourd’hui, tristement incarné par des centaines de millions de pauvres gens de l’hémisphère sud qui passent leur journée à entrer des milliards de données au nom du règne incontesté de l’Intelligence artificielle générative. Ou encore cette fameuse théorie du ruissellement un temps préconisée par notre chef de l’Etat qui, pour ce photographe lillois, ne serait en fait que la répétition ratée d’un concept américain lancé un an avant… le krach boursier de 1929. Depuis, la douloureuse équation n’a fait que se renforcer : les riches sont toujours plus riches, les pauvres encore plus pauvres.

Scénario réfléchi, ambiance définie, instant saisi, c’est ainsi que Marc Gaillet travaille les symboliques qui jalonnent le temps avec pour seuls outils, son appareil photo, sa lumière, ses objets qu’il sculpte patiemment et son ordinateur qui ne l’aide qu’à affiner l’artisanat qu’il revendique. « Pas question d’utiliser l’IA pour créer une photo, car elle bâcle et nie les droits d’auteur. À la spoliation, je préfère les ressorts du vivant », raconte celui qui, durant le mois de mai, va exposer une cinquantaine de pièces avec son ami peintre Benjamin Carbonne pour célébrer la fermeture définitive de son atelier et de sa galerie Enlazar, tous deux situés au 13 de la rue du Faubourg Saint-Jaumes, à Montpellier.

À l’issue, il prendra la clé des champs pour profiter pleinement de la campagne montferriéraine. Et, dans son atelier de la route de Mende, laisser libre cours à son inspiration, celle qui anime l’Union méditerranéenne des artistes de la colère (1). « Oui, nous avons en nous « de la colère » », annonce l’artiste Marc Gaillet qui, avec son pistolet inoffensif et sa grenade maquillée, dégaine ses œuvres revendicatives et braque l’imaginaire pour mieux s’insurger contre les injustices et les drames mille fois répétés.

(1) L’UMAC est librement inspirée du nom de l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne (UMAM) fondée en 1946 par Henri Matisse et Pierre Bonnard.